Corenthien Nana est un homme aux multiples talents, à la fois informaticien et réalisateur de cinéma. Aujourd’hui chef de service informatique et multimédia au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), il est également une figure montante du cinéma populaire burkinabè. Son parcours est marqué par des choix imposés par la vie et un amour progressif pour le septième art.
Rien ne prédestinait Corenthien Nana à devenir réalisateur. Après des études de géologie au campus, il a dû saisir les opportunités qui s’offraient à lui. « J’ai passé plus de six ans à chercher une licence, sans succès, avant de me lancer dans la préparation de concours pour essayer de trouver ma voie », explique-t-il. À cette époque, il ne pensait pas au cinéma. « J’ai passé le concours un peu par hasard et c’est comme ça que j’ai eu le concours de cinéma en 2016 », raconte-t-il. Mais c’est pendant la formation qu’il découvre sa véritable passion : le cinéma. L’amour du cinéma lui vient alors dans les salles de classe, pendant les cours, en étudiant les œuvres et les techniques de réalisation. Ce concours inattendu devient le point de départ d’un parcours peu commun.
Cependant, une fois diplômé en 2018, c’est dans le domaine de l’informatique que l’État décide de l’affecter. Là encore, Corinthien fait preuve de résilience. Conscient des défis que représente ce nouveau poste, il décide de se former en informatique, bien qu’il ne l’ait pas choisi. « Je n’avais pas d’autres options. Il fallait que je me forme rapidement pour accomplir mes tâches. » Cette nouvelle compétence, loin de le détourner de sa passion pour le cinéma, devient un outil qu’il met au service de sa carrière de réalisateur. Grâce à ses compétences en informatique, il a pu intégrer des outils numériques dans son processus de création, simplifiant ainsi certaines étapes de réalisation. Pour lui, la technologie est un levier essentiel pour rendre le cinéma plus accessible et moderne.
Le cinéma populaire, sa spécialité
C’est en 2019 qu’il fait ses débuts en tant que réalisateur avec “Le Sort de Nestor”, son premier long-métrage. Ce film, qu’il a écrit et réalisé avec le soutien de personnes croyant en son potentiel, marque le début d’une carrière dédiée au cinéma populaire. Nana définit ce type de cinéma comme un cinéma destiné au grand public, commercial, avec pour ambition d’être vu par le plus grand nombre.
Le cinéma populaire burkinabè, à l’image de celui du Nigeria, est un genre qui s’adresse directement aux populations locales, abordant des thèmes qui leur sont familiers tout en restant accessibles financièrement. Le jeune réalisateur prône une diffusion démocratique, d’abord en salle, ensuite à la télévision, puis sur YouTube. Malgré son succès, le réalisateur n’est pas à l’abri des défis. « Les salles de cinéma sont parfois vides, non pas parce que les films ne sont pas bons, mais parce que les gens n’ont pas les moyens, ou qu’ils vivent trop loin des salles. Ouagadougou est devenu très grand, et la distance, combinée au coût du carburant et aux risques d’insécurité, décourage souvent les cinéphiles », a-t-il énuméré comme contrainte.
C’est pourquoi, pour faire face à ces obstacles et donner plus de visibilité à ce genre cinématographique, Corenthien Nana a fondé l’Association pour la promotion du cinéma populaire. Cet organisme vise à diffuser le cinéma auprès des populations les plus reculées, à travers des projections dans les quartiers périphériques. « Nous faisons des projections gratuites lors d’événements communautaires, dans le but de rapprocher le cinéma des gens », explique-t-il. Cependant, le modèle économique reste fragile, car ces projections ne permettent pas de rentabiliser les productions.
« Quand tu réalises un film, tu investis beaucoup. Si tu ne peux pas le rentabiliser, comment fais-tu pour financer le suivant ? » s’interroge-t-il. Malgré ces difficultés, Corenthien Nana continue à croire en l’avenir du cinéma populaire au Burkina Faso, soutenu par l’enthousiasme du public et la motivation des acteurs locaux.
“Le cinéma n’est pas un métier où l’on devient riche du jour au lendemain”
Pour Corenthien, l’avenir du cinéma populaire est prometteur, même si certains défis persistent. « Le public burkinabè aime les nouveautés. Il y a de la production même si la concurrence avec le football et les paris en ligne reste un problème », analyse-t-il. Sa plus grande crainte réside dans l’incapacité à rentabiliser les films à cause de ces distractions et des difficultés économiques qui touchent les spectateurs. Néanmoins, il garde espoir, porté par son association et les projets qu’il prépare. Parmi eux, un festival de cinéma populaire est en cours de gestation, un événement qui pourrait renforcer l’attrait pour ce genre cinématographique au Burkina Faso.
En parallèle de ses projets personnels, Corenthien Nana tient à encourager les jeunes réalisateurs. « Il faut être patient. Le cinéma n’est pas un métier où l’on devient riche du jour au lendemain. Il demande du temps, des sacrifices et beaucoup de travail », conseille-t-il. « Il faut aussi accepter les critiques. Le premier film sera critiqué, mais c’est une étape nécessaire pour progresser. »
Des sources de motivations
Corenthien Nana n’oublie jamais de rendre hommage à son père, Raga Jean Baptiste Nana, parti peu de temps après qu’il ait été admis à l’ENAM. « Mon père s’est sacrifié pour que je puisse avoir un avenir. C’est grâce à lui que je suis ici aujourd’hui. Je ne l’oublierai jamais, et tout ce que je fais, je le fais aussi pour honorer sa mémoire. »
Parmi les personnes qui l’inspirent, le jeune réalisateur cite, Steven Spielberg, un géant du cinéma américain. « J’admire la manière dont Spielberg produit et réalise des films. Il est inarrêtable, et c’est ce que j’aimerais devenir, un jour. » Toutefois, il n’oublie pas ses modèles burkinabè. « Idrissa Ouédraogo et Gaston Kaboré sont des figures qui nous inspirent tous. Si un jour je pouvais atteindre ne serait-ce qu’une partie de ce qu’ils ont accompli, je serais comblé », fait-il savoir.
Avec quatre longs-métrages à son actif et un cinquième en cours de réalisation, Corenthien Nana veut se positionner comme une des figures incontournables du cinéma populaire burkinabè.