SOUSTITRE
jeudi 15 juillet 2021, par Jack
La seconde édition du Ouaga Job Challenge a ouvert ses portes le 3 juillet dernier au Burkina Faso. Après un pilote réussi en 2020, le programme de développement de l’employabilité des Burkinabè, développé par BurkinAction, passe à la vitesse supérieure avec cinq fois plus de candidats, une nouvelle formule plus étoffée, et une ambition nationale. Interview de Djoari Ouoba, président de BurkinAction.
Ils étaient plus de 400 personnes à avoir fait le déplacement le 03 juillet dernier à Ouagadougou au Centre National des Arts du Spectacle et de l’Audiovisuel pour le lancement officiel du Ouaga Job Challenge (OJC) 2021. Et ce malgré un mouvement redouté de manifestation nationale qui se déroulait le même jour.
L’événement, sous la présidence du ministre de la Jeunesse, de la Promotion de l’Entrepreneuriat et de l’Emploi, et le parrainage du Directeur Général de la chaine privée BF1 inaugure un OJC plus grand, plus ambitieux et plus structuré.
Après le succès du pilote en 2020 qui avait fait du Burkina Faso un pôle d’attractivité professionnelle, l’édition 2021 déploie ses ailes avec comme objectif le national.
Cinq fois plus de candidats, une méthode bien rôdée, de nouveaux partenaires entreprises, une étude sous-régionale sur l’employabilité menée avec l’AFD, un focus sur l’évaluation, Djoari. O Ouoba, président de BurkinAction, organisation de la société civile initiatrice du projet, revient sur les fondements et les atouts d’un OJC qui s’inscrit d’ores et déjà comme une nouvelle référence en matière d’incubateur de l’emploi au Burkina Faso.
Pourquoi un tel projet ?
Nous, membres du bureau du BurkinAction, avons eu l’opportunité d’aller étudier et de travailler à l’étranger. Saisir cette opportunité, ce n’est pas seulement en profiter pour nos propres ascensions professionnelles c’est aussi pouvoir la partager avec un maximum de personnes, un peu comme un effet papillon.
Il y a plusieurs façons de le faire, mais nous avons choisi celle qui nous caractérise le plus, à savoir le renforcement du capital humain. Accroître l’employabilité de jeunes et de femmes actives du Burkina et de sa diaspora passe non seulement par le développement des qualités interpersonnelles, le savoir-être, mais aussi par l’acquisition de compétences RH.
Le Ouaga Job Challenge (OJC) montre que c’est possible. Il affiche au grand jour un savoir-faire made in Burkina. En tant que jeunes et adultes responsables, nous savons aujourd’hui que seuls nous pouvons écrire l’avenir de notre continent et celui-ci s’écrit au présent à travers de telles actions.
Le Ouaga Job Challenge grâce à sa vaillante équipe, entend contribuer à la mission de l’État, en participant à l’amélioration de l’employabilité, aussi bien quantitativement mais surtout qualitativement. En réalité, il s’agit pour nous d’un devoir citoyen. Car si nous nous pensons capables de le faire, nous estimons avoir le devoir de le faire.
A l’échelle macroéconomique, ce projet vient renforcer notre tissu socio-professionnelle et impulser notre économie car il accroit la compétitivité de nos entreprises grâce à une meilleure ressource humaine.
Comment fonctionne-t-il ?
Le Ouaga Job Challenge est à la fois simple et complexe, long et court, mais il est surtout adapté au profil du candidat et au contexte du marché de l’emploi local. Il s’agit de sélectionner des candidats diplômés, ayant entre 18 et 35 ans et de les amener à devenir autonomes dans leur recherche d’emploi et ultimement à décrocher un poste au sein d’une entreprise.
Pour cela, nous les répartissons dans 3 pôles selon leur profil :
Un pôle académique pour les Juniors. Ici nous agissons comme une académie où en fonction de leurs profils ils bénéficient de formAction sur des thèmes allant de la rédaction de CV et la préparation d’entretien, à la gestion de l’identité numérique et le développement personnel.
Un pôle placement pour les Seniors. Il s’agit ici principalement d’intermédiation entre l’offre et la demande. Certaines entreprises de la place, pour des raisons diverses et variées, manquent de visibilité et de facto d’attractivité pour des candidats qui eux ne savent pas où chercher, où saisir les opportunités qui boosteront leur carrière. Grâce à un accompagnement bilatéral nous favorisons ces rencontres afin de satisfaire les 2 parties.
Un pôle Diaspora. Nous procédons ici à un accompagnement particulier car si ces profils sont particulièrement recherchés par les entreprises de par leur parcours académique et expérience accrue, ils sont aussi les plus difficiles à intégrer car ils ont besoin d’un accompagnement supplémentaire à savoir celui du retour au pays.
A noter que les pôles ne sont pas cloisonnés et que tout profil peut y appartenir. Nous fonctionnons avec une méthodologie très agile.
En quoi le OJC est-il différent d’une agence de placement ?
Le Ouaga Job Challenge est un concept innovant dans son approche. Il a des obligations de moyens, car son but principal est d’accroitre l’employabilité des participants (approche sociale) tandis qu’une agence de placement a des obligations de résultats : il faut faire du chiffre (approche économique).
L’approche du Ouaga Job Challenge lui permet d’évoluer dans un contexte favorable à l’accompagnement où nous pouvons prendre le temps avec les participants, alors qu’une agence de placement est soumise aux exigences parfois temporelles de ses clients.
Cependant, il y a une complémentarité entre les 2, un peu comme si le OJC préparait les participants à être placer en entreprise. D’ailleurs nous comptons une agence de placement dans nos partenaires.
Le Burkina Faso est classé 8e des deniers pays en termes de développement humain. Que pensez-vous de ce classement ? Et dans cette perspective qu’est-ce qui vous fait dire que la première édition du OJC avait fait de Ouagadougou un pôle d’attractivité professionnel ?
Ce classement nous emmène à penser que nous avons du pain sur la planche. Nous pourrions ici vouloir le challenger, voire même remettre en cause les indicateurs choisis pour le définir. Mais notre présence sur terrain ne peut que confirmer que le Burkina Faso est en construction : tout est à faire ou à refaire.
Néanmoins, malgré ce classement la première édition du Ouaga Job Challenge, qui était une phase pilote, nous a démontré que le Burkina Faso était un pôle d’attractivité professionnel. Nous en voulons pour preuve l’engouement que ce projet a suscité à tous les niveaux (candidats, entreprises, bailleurs de fonds, institutions étatiques) et les mesures d’impacts révélées : Une 30aine d’entreprises partenaires – Plus de 300 candidatures reçues – 60 % de femmes – 30 % de candidatures issues de la diaspora (Afrique, Chine, France, Amérique du Nord) – 80% de taux de placement – Une couverture média nationale ( 8 chroniques hebdomadaires tv en plateau sur la première chaine privée burkinabé BF1 TV) – Un écho international (RFI, Afrik.com).
En pleine crise sécuritaire n’est-ce pas trop audacieux de vouloir, concernant la diaspora, attirer de nouvelles compétences dans le pays ?
Cette crise est l’occasion de prendre conscience qu’aujourd’hui, plus que jamais, le Burkina Faso a besoin de tous ses fils et de toutes ses filles. La diaspora est la 14e région du Burkina et à cette particularité de pouvoir apporter une différence.
C’est peut-être un peu fou mais Thomas Sankara nous disait : « Vous ne pouvez pas accomplir des changements fondamentaux sans une certaine dose de folie ». D’autant plus que cette diaspora dont nous parlons manifeste elle-même et de plus en plus cette volonté de vouloir participer à l’effort collectif et contribuer à l’essor socio-économique du Burkina et ce, de près ou de loin.
Nous en voulons pour preuve toutes les initiatives (entreprises ou associations) conduites par des membres de la diaspora qui ne cessent de naitre au Burkina depuis des années. D’un point de vue historique, la diaspora a toujours joué un rôle majeur dans l’avancée du Burkina à tous les niveaux et elle continuera de le faire. Nous pouvons compter sur eux et devons faire notre maximum pour les intégrer au mieux dans l’écosystème local.
Comment expliqueriez-vous le concept d’employabilité, dans une assertion africaine, du moins burkinabé, du terme ?
En réalité, là où certains parlent de taux de chômage nous nous parlons de manque d’opportunités. Car notre jeunesse est volontaire. Elle peut certes paraitre revendicatrice par moment, mais en réalité elle a besoin d’espoir. Elle a besoin de pouvoir rêver à nouveau. Trop souvent et trop tôt laissée à elle-même dans le contexte que nous connaissons tous, il ne faut pas s’étonner du résultat.
Notre concept d’employabilité se traduit par le fait de croire en elle et de vouloir lui donner sa chance. La chance de décrocher un emploi, la chance de devenir acteur du changement, la chance de devenir responsable, la chance tout simplement de devenir. Nous sommes intimement convaincus du potentiel dont elle regorge.
Cela est vrai à une échelle burkinabé, mais aussi à une échelle africaine où selon des études récentes 60% de la population auraient moins de 24 ans. Si l’on se projette à l’horizon 2050, 35% des jeunes dans le monde seront Africains. Soit 1/3 de la population mondiale. Il va falloir repenser le concept d’employabilité pour pouvoir donner un rôle à toute cette jeunesse et ne pas donner raison à ceux qui la voient comme une bombe démographique à retardement.
Certains voient l’entrepreneuriat comme alternative, mais attention car c’est un univers indescriptible et sans fin. N’importe qui peut se définir entrepreneur mais à l’arrivée très peu le seront vraiment. Nous serions heureux de pouvoir partager notre concept d’employabilité avec les décideurs, mais en attendant nous allons tenter de l’appliquer dans le Ouaga Job Challenge
Quelles sont les problématiques burkinabè ?
Elles sont multiples, mais pourraient se résumer en un concept : L’ÉTAT D’ESPRIT. Nous avons besoin d’une volonté commune du changement, pas juste pour certains au détriment des autres. Il nous faut agir ensemble en prenant compte de toutes et de tous. Notre histoire ne cesse de nous rattraper et de se répéter sans que nous soyons capables d’en tirer les leçons essentielles.
Nos maux sont nombreux mais s’il fallait en choisir un à prioriser ce serait l’Éducation avec un E. Nous ne parlons pas uniquement de notre système éducatif de plus en plus obsolète et à bien des égards contre-productif, mais de l’Éducation qui fera de chaque Burkinabé un Homme et une Femme heureux et accompli.e au service du collectif.
Quels enseignements tirez-vous du pilote de 2020 du Ouaga Job Challenge ?
De cet essai validé pour une première expérience projet de BurkinAction, nous retenons une magnifique aventure humaine, une équipe engagée, un projet fédérateur pour tous les burkinabè qui a pu aller au bout, malgré le contexte pandémique mondial, grâce à l’agilité et les capacités d’adaptation de l’équipe.
Ce programme abouti dans les résultats a su démontrer son utilité grâce à une approche qui s’inspire de nouvelles méthodes de faire. Ce fut une preuve qu’un tel projet était possible mais également un exemple de la mise en valeur d’une expertise locale de dimension sous-régionale et internationale.
En résumé, le travail à abattre est colossal en matière d’employabilité mais c’est Possible ! Malgré toute notre envie et notre bonne volonté nous ne pourrons pas y arriver seuls et encore moins se substituer au rôle de l’Etat. Nous nous positionnons comme des partenaires de l’Etat dans l’accomplissement de sa mission.
Cette première édition nous a démontré à quel point le déficit d’employabilité est crucial dans le pays, mais surtout à quel point les participants étaient volontaires et mobilisés pour décrocher un emploi. Derrière un emploi il y a un métier, derrière un métier il y a des projets, de société, de famille, d’enfants.
Quelles sont les nouveautés 2021 par rapport au projet pilote ?
Cette année, nous avons décidé de nous doter de données objectives et concrètes sur l’employabilité grâce à une étude sous-régionale sur la question co-produite avec l’Agence Française de Développement via leur projet d’intrapreneuriat Jeunesse Sahel.
Nous allons donc pouvoir référencer la problématique non pas au niveau Burkina mais au niveau des pays du Sahel (Niger, Mali, Mauritanie, Tchad). Ce sont là de précieuses données pour le développement du Ouaga Job Challenge en dehors du Burkina.
Par ailleurs, nous avons fortement consolidé notre partie évaluation pour pouvoir mesurer, donc améliorer, l’efficacité du programme.
D’autre part, afin d’améliorer l’expérience des candidats et de leur apporter un accompagnement adapté à leurs profils nous avons décidé d’innover cette année avec 3 pôles :
Un pôle académique pour les Juniors. Ici nous agissons comme une académie où, en fonction de leurs profils, ils bénéficient de formAction sur des thèmes allant de la rédaction de CV et la préparation d’entretien à la gestion de l’identité numérique et le développement personnel.
Un pôle placement pour les Seniors. Il s’agit ici principalement d’intermédiation entre l’offre et la demande. Certaines entreprises de la place, pour des raisons diverses et variées, manquent de visibilité, et de facto d’attractivité, pour des candidats qui eux ne savent pas où chercher, où saisir les opportunités qui boosteront leur carrière. Grâce à un accompagnement bilatéral nous favorisons ces rencontres afin de satisfaire les 2 parties.
Un pôle Diaspora. Nous procédons ici à un accompagnement particulier car si ces profils sont particulièrement recherchés par les entreprises de par leur parcours académique et expérience accrue, ils sont aussi les plus difficiles à intégrer car ils ont besoin d’un accompagnement supplémentaire à savoir celui du retour au pays.
A noter que les pôles ne sont pas cloisonnés et que tout profil peut y appartenir. Nous fonctionnons avec une méthodologie très agile.
Une des nouveautés est aussi le déploiement du OJC sur tout le territoire national. Désormais, le OJC ne se restreint plus seulement à la capitale mais à toutes les villes et régions du Burkina. A l’heure où nous parlons nous avons reçu plus de 500 candidatures provenant de l’ensembles des 13 régions du Burkina, et même 14 parce que, pour notre part, nous considérons la diaspora comme une région.
Quels sont vos critères objectifs de réussite ?
Nous souhaitons transformer l’essai que représentait la 1ère édition et effectuer un changement d’échelle à travers plusieurs critères de réussite. Tout d’abord, à travers le pôle académique où nous souhaitons rendre autonome 60 % des candidats que nous accompagnerons.
L’objectif principal reste bien sûr de pouvoir intégrer ces candidats en entreprise, mais à défaut, le programme étant limité dans le temps, nous souhaitons leur transmettre assez de bagages techniques, d’outils et de soft skills pour qu’ils puissent prospecter efficacement eux-mêmes. Et nous mesurerons cela grâce à une méthodologie rigoureuse de suivi et évaluation du projet.
Nous nous fixons le même pourcentage de réussite pour les candidats du pôle Placement c’est-à-dire l’obtention d’un contrat de travail dans les plus grandes entreprises de la place pour au moins 60% d’entre eux.
Enfin, il s’agira pour nous de permettre à au moins 50% des candidats de la diaspora d’effectuer ou d’entamer leur transition de retour vers le Burkina.
De manière générale, nous préparons les conditions d’un essaimage avec un programme étalon cinq fois plus important en termes de candidats, doublé d’un important pôle évaluation.
L’objectif affiché est d’écrire la méthode Ouaga Job Challenge pour standardiser nos savoir-faire et nos pratiques de réussite afin de mieux déployer le programme au national.
Quelles sont vos ambitions ?
Notre ambition est de faire du Ouaga Job Challenge une référence nationale (cette année) puis sous-régionale dans les années à venir en matière de renforcement du capital humain dédié à l’employabilité.
Nous souhaitons devenir des acteurs crédibles et sérieux sur lesquels les décideurs en place et les partenaires (Entreprises, Bailleurs, Institutions Publiques, ONG, Associations etc…) pourront s’appuyer dans l’accomplissement de leurs missions.
Enfin, nous souhaitons être un exemple de réussite et une source d’inspiration pour une jeunesse en quête de repères et de missions de vie.
Dans quelles logiques partenariales travaillez-vous ?
Nos ambitions citées précédemment ne sont possibles que grâce à ces ceux qui croient en nous. Tous secteurs confondus. Ce sont eux qui font de nous ce que nous sommes et nous tentons de le leur rendre du mieux que nous pouvons.
Le Ouaga Job Challenge met un pied d’honneur à valoriser et mettre en avant ses partenaires. Nos partenaires ont besoin de partenaires qui eux aussi ont besoin de partenaires. C’est donc de façon naturelle que nous favorisons les rencontres, fédérons les énergies et que nous les incitons à agir ensemble, notamment à travers des événements de networking et d’afterwork.
Nous sommes dans une démarche permanente de développement de notre réseau, afin d’accroitre notre impact et sceller nos chances de réussite. Nous sommes très pro actifs sur la question. D’autant que le OJC est une opportunité en or d’être associé à un projet utile et d’envergure, pour pouvoir bénéficier à la fois du vivier de talents que représentent les candidats que nous accompagnons et de tout le réseau OJC et plus largement de BurkinAction. Chers potentiels partenaires, nous avons besoin de vous !
Grâce à sa propre identité numérique, le Ouaga Job Challenge est aussi un espace de parole et une visibilité pour l’ensemble des acteurs de l’employabilité dont ils font partie. C’est une autre manière de valoriser leur engagement et leurs expertises au service du développement d’un marché de l’emploi en pleine croissance. Nous avons la chance d’être accompagnés par les meilleurs en matière de stratégie éditoriale et comptons bien en faire bénéficier nos partenaires.